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8 novembre 2014 6 08 /11 /novembre /2014 19:12

Le dernier roman de Patrick Modiano remet nos pas dans ce Paris labyrinthique auquel il nous a habitués. Une ville éternelle, mais en perpétuelle transformation, où des enseignes se superposent comme autant de palimpsestes. Où les noms de rues résonnent d'étrangeté, à force d'être associés à des déplacements en zig-zag dans l'espace et dans le temps.

Les personnages changent d'identité, ou bien se superposent, eux aussi, dans la ronde d'un retour (éternel?), où un couple d'aujourd'hui reproduit le souvenir d'un autre, disparu, mais peut-être pas. Un fil d'Ariane fragile au possible emmène le narrateur à la recherche d'un passé jamais vraiment passé, dont la blessure est latente et pernicieuse. Ce fil qu'il a cherché à arracher, en détruisant les chapitres des "romans" où il racontait son histoire. Mais celle-ci ne le lâche pas, jusqu'à la dernière phrase où, abandonnant la forme de l'histoire d'un certain Daragane, le narrateur lance avec désespoir, comme s'il reprenait la parole:"... et il vous faut un peu de temps encore pour vous rendre compte qu'il ne reste plus que vous dans la maison".

L'enfant qui vient de réaliser cela a sept ans. Et cet abandon qu'il pressentait, lui qui guettait tous les soirs les bruits de voitures s'éloignant, cet abandon ne l'a pas quitté. C'est pourquoi, malgré sa répugnance, il saisit le fil du temps. Qui le ramènera au même endroit, il ne pouvait en être autrement. 

Le lecteur lui non plus ne peut plus quitter ce texte, où l'auteur sème des indices autour de trois moments-clés: l'enfance de Daragane, ses vingt deux ans, et puis l'année 2013 où il reçoit d'étranges personnes, en écho aux deux temps précédents, échos déformés, insistants,vertigineux.

 Le héros de ce récit semble avoir passé une vie à attendre de savoir qui étaient ces gens qu'il accompagnait comme un satellite égaré; dont les noms et les vies émergent, puis disparaissent. Des hasards successifs, des vies dérisoires, sordides, à la limite des lois. Rien de stable, des chambres d'hôtels de dernière catégorie, des maisons abandonnées, une école démolie, un quartier disparu. Comme une menace toujours présente que le néant est là, sous la surface d'une eau grise où crèvent des bulles.

Le néant où retombent tour à tour Torstel, Colette Laurent, Roger Vincent, Jacques Perrin de Lara, Joséphine-Chantal Grippay, et tous les autres, la mère sans nom, et Annie Astrand,... celle qui aurait pu lui expliquer, mais qui s'est dérobée. Peut-on expliquer le manque ? Encore faudrait-il le nommer. Manque d'amour, de courage, de fierté ? Tellement ordinaires.

On ne sort pas tranquille de ce livre. Pas plus que de tous ceux de Patrick Modiano.

"Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier"   Patrick Modiano Gallimard 2014

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9 juillet 2014 3 09 /07 /juillet /2014 10:02

L'ami Louis V. m'a fait successivement découvrir Canal Mussolini d'Antonio Pennaccchi (prix Strega 2010), et Rouges, de Pascale Fautrier (Seuil 2014).

Les deux ont en commun de décrire et d'analyser le rapport, et même le choc, d'un groupe familial avec une idéologie qui se veut à la fois vision du monde, et porteuse de sa fin dernière.

Les Italiens et le fascisme, du départ de Rovigo, chassés qu'ils sont par la faim et les exactions du Comte Zorzi Vila, à l'installation dans les Marais Pontins que Mussolini a résolu d'assainir et de transformer. Le hasard a noué des relations d'amitié entre le Duce et la famille Peruzzi, les voilà devenus des "noirs". Au long de cette histoire, du lendemain de la première guerre mondiale à la fin de la seconde, les membres de l'immense famille auront plus d'une fois l'occasion d'être perplexes, et même davantage, devant certaines péripéties du régime. Mais à chaque fois, l'un ou l'autre énoncera cet aphorisme terrible et dérisoire: tout le monde a ses raisons.

Et c'est la clé du livre: angoissante en ce qu'elle révèle d'aptitude à la compromission de tout individu, et a fortiori de tout groupe. L'assassin a ses raisons, le tyran, le traître, le bourreau ont les leurs. L'homme et la femme ordinaires les ont aussi, leurs raisons: une flopée d'enfants, et leur bonheur minimum.

Le roman est censé être écrit par un prêtre, fruit des amours illicites d'une veuve de guerre et de son jeune beau-frère, deux êtres solaires, séparés par le clan.  Ce livre est splendide, foisonnant, il ne se résume pas à la problématique indiquée.

Problématique qui irrigue tout autrement le texte de Pascale Fautrier.

Huit siècles à être des rebelles, dans cette région de Bourgogne. P. Fautrier retrace le parcours de huit générations des siens, révoltés, puis révolutionnaires, puis rouges. Le ton est plus celui d'une chroniqueuse, certes engagée, que d'une romancière. Mais le livre touffu devient passionnant lorsque les grands-parents de Pascale-Madeleine, et son père se trouvent confrontés à ce qu'ils considèrent dans leur Parti comme la trahison de son essence; pour faire court, au stalinisme. Et qu'ils en payent le prix.

On se trouve ici dans le cas inverse, mais quelque part symétrique du roman italien: les trois Fautrier se trouvent condamnés, et par là conduits au désespoir, parce que seuls fidèles à une foi vitale pour eux. Il ne s'agit pas d'une blessure narcissique, mais d'un tremblement de terre: la foi soulève peut-être des montagnes, mais quand la montagne vous retombe dessus... Tandis que leurs accusateurs ont pour eux la légitimité de l'appareil, donc le "pouvoir" et... la mauvaise foi.

Pas d'autre issue, face au bulldozer totalitaire, que de se dire: tout le monde a ses raisons. Mais les Rouges de ce livre ne le peuvent pas, le refus de la soumission étant leur épine dorsale. Ils ont conscience que l'idéal de toute leur vie pèse davantage, définitivement, que tout arrangement douteux et confortable. A leur manière, des Fous de Dieu. Ils essaient un peu plus à gauche, renoncent: on n'est pas dans un roman, il n'y a pas de fin possible. L'homme nouveau, ce n'est pas pour maintenant, ni pour jamais.

Tout le monde a ses raisons  est juste le raccourci de l'ignoble, inévitable réalisme.

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9 juin 2014 1 09 /06 /juin /2014 13:37

 Un étrange objet littéraire que ce prix Goncourt 2013. Un pavé de 567 pages que l'on voudrait lire d'une traite si cela était faisable. Un roman d'aventures, déchirant et picaresque. Des non-héros, des braves types, des salauds, des malins. Une histoire invraisemblable, mais captivante:quelques jours avant l'armistice annoncé, l'abominable et meurtrier lieutenant Pradelle déclenche une inutile offensive,essaie de supprimer les témoins... qui survivront miraculeusement. Ils sont deux, un fils de famille, artiste homosexuel renié par son père, un prolétaire timide au coeur immense.

Les dits survivants ( sous une fausse identité), monteront une splendide arnaque aux monuments aux morts qui devrait être une revanche et un nouveau départ. Elle le sera, en partie.

Pradelle y va lui aussi de son arnaque, aux cimetières militaires, on reste dans le ton. Mais il garde un oeil sur nos deux pieds nickelés : grâce à l'auteur, il est l'époux de la soeur du dessinateur génial, soi-disant décédé, vraiment gueule cassée, et par là gendre d'un riche et inflexible et tout-puissant phynancier " de la haute", pour respecter le vocabulaire du roman.

Pierre Lemaître revendique l'héritage des Barbusse et Dorgelès, et l'atmosphère putride des tranchées, le désespoir, la boue, la mort, sont bien présents. Après sont venues les promesses, puis les reniements.

Et le mutilé du visage dépend totalement de la drogue, l'autre n'a trouvé qu'un emploi d'homme-sandwich, ils sont tous deux déshumanisés, cachés derrière un masque de carton ou de contre-plaqué.

Mais nous ne sommes pas dans un roman-roman, mais plutôt dans une fable; les injustices, les compromissions, les complicités sociales sont dénoncées, certes, mais par la caricature. Les servantes sont accortes, les petites jeunes femmes sont légères, les bourgeoises sont des garces. Les supérieurs, cassants, les inférieurs, serviles.

Mais une fable doit finir en beauté, du moins ici. Le père sévère est touché par la grâce de l'amour paternel: s'il ne retrouve pas son fils, il est l'instrument de sa délivrance. La jeune femme de Pradelle le congédie,et la justice le rattrape. Le méchant va payer. Le gentil prolétaire s'embarque avec le magot bien gagné.

Rien n'a changé sous le soleil.

Le texte est mené tambour battant. On sent la jubilation de l'auteur à empiler les épisodes, faire rire des épisodes les plus crasseux de ce qui ferait un film burlesque de folie.

Un regret cependant, en toute humilité: la langue de cet ouvrage n'est pas à la hauteur de l'entreprise. Un peu fade, convenue, à la limite du cliché. Le plaisir de lire serait complet si l'on trouvait quelque chose de tonitruant, de hurleur, de plus acide ou plus malin, de plus passionné.

Les critiques présentes sur internet ne font pas de réserves sur le style, sauf une, toute timide. Les professionnels de la critique perdent-ils toute objectivité devant le sacre du Goncourt ? Ont-ils fait plus que parcourir le livre avant de rendre leur copie ? Ont peut se le demander.

Il y a quand même eu, naguère, des textes autrement étincelants sous la jaquette du Goncourt.

 

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3 décembre 2013 2 03 /12 /décembre /2013 17:00

lou

 

 

Personne n'est préparé à la naissance d'un enfant handicapé.

Je reprends ici le commentaire que fait Jacques Tréminin de l'ouvrage de Charles Gardou publié chez Erès, Parents d'enfants handicapés:

...l'effet de sidération écrase le parent, en l'envahissant d'un chagrin et d'une douleur inconsolables, d'une déception et d'un désenchantement accablants, d'un anéantissement et d'un désespoir inguérissables.

Pom Bessot et Philippe Lefait d'abord anéantis de tristesse et d'impuissance feront face au handicap de Lou pour l'accompagner vers une certaine autonomie, mais le prix est lourd.

Ils relatent leur bataille dans un récit tonique à deux voix et à trois temps ( celui de la chronique, pas à pas, et des deux regards croisés sur son déroulement) : Et tu danses, Lou  est publié chez Stock.

Le personnage central en est bien ce "fauve féroce", ce "tranquille petit crabe noir", ce "hors la communauté", que l'on peine à nommer, parce que Lou n'est ni "mongolienne", ni autiste, ni sourde, ni muette, ni aveugle, mais victime d'un "pète" sur une séquence génomique; elle naît toute petite, avec une drôle de tête. On a toujours un recul devant le mot détesté. On parle d'immaturité de naissance, de dysphasie. Lou ne disposera jamais que de quelques vocables. Et n'aura pas accès au véritable dialogue, à la fréquentation des livres. Elle ne fera pas équipe avec sa classe d'âge. Elle épuisera ses parents.

Lou déploie cependant une énergie admirable pour exister, pour acquérir la langue des signes, pour se déplacer. Elle est intelligente, au sens où elle utilise au mieux ses capacités, et sait gagner l'affection des adultes qui la côtoient.

Mais demeurent, au moment de l'écriture de ce témoignage, la solitude de ton empêchement et de notre impuissance.

Les parents de Lou ont connu le parcours bien connu : ils ont rencontré des professionnels incompétents ou maladroits, ou négligents. Et puis d'autres qui les ont aidés à sortir la tête de l'eau. Des nounous, des voisins, des amis admirables. Des familiers qui se dérobent.

Des structures accueillantes, mais il faut les découvrir ! Et des méthodes de communication qui vont changer la vie : Makaton, Feuerstein.

Ce récit, qui est adressé à Lou, est un chant d'amour et de reconnaissance pour la ravissante, l'adorable, l'ensorcelleuse. Celle qui les a faits " légers, heureux, portés par notre histoire" au bal de leur mariage dont leur Lou de dix sept ans est le témoin officiel.

Ce bonheur est gagné sur les séparations successives, la tentation suicidaire, le rejet récurrent de l'héroïsme, la fatigue insupportable des nuits sans sommeil. Et le sentiment de passer à côté de sa vie sans pouvoir faire autrement.

Il a fallu à ces parents sublimer leur enfant, en faire leur projet, leur centre leur nécessité. Pour parvenir à vivre cette vie-là. Peut-on aller jusqu'à dire réussir cette vie-là ? Oui, sans doute.

Dans leur malheur, comme on dit, ils avaient la chance de disposer, pour parler comme les sociologues, d'un capital symbolique lié à leur culture tous azimuts, à leurs réseaux: plus facile pour eux de trouver les bonnes adresses s'il y en a, de choisir des conduites adaptées, si on peut. Des ressources matérielles suffisantes permettent aussi de rémunérer des aidants, de changer d'air, et c'est vital. Ce qui ne diminue en rien l'admiration et l'estime qu'ils suscitent. Mais permet de mesurer dans quel désarroi peuvent se retrouver d'autres parents. Philippe Lefait souligne au passage combien notre pays, malgré des lois volontaristes, est en retard dans l'accompagnement du handicap, par rapport à la Belgique ou au Canada. 

D'après les travaux que je citais plus haut les comportements "adaptatifs" peuvent offrir d'autres modalités: certains abandonnent le combat, d'autres minimisent le handicap, le "réparent" en ayant un autre enfant très vite, ou encore s'immergent dans de fortes responsabilités extérieures. Faire comme on peut...

Pom Bessot et Philippe Lefait réalisent à travers leur histoire que "notre monde meurt d'égoïsme", que nous vivons dans "des sociétés d'orphelins, s'il n'y a pas l'attention à l'autre". Un savoir qu'ils auraient sans doute préféré acquérir autrement.


Ce livre est précédé d'un extrait de La défense de l'infini : Aragon y  nomme "bonheur" l'état de celui qu'une infirmité définitive a séparé du monde dont il n'est plus que le spectateur soulagé. S'y ajoute  Le loup et le chien de La Fontaine. Métaphores de l'accès douloureux à la lucidité et à la liberté.

Une autre référence se glisse dans le texte, à un de mes auteurs majeurs, Pascal Quignard, extraite de La barque silencieuse:

Les mots flottent sur le bout de la langue, où ils sont introuvables, n'y étant pas natifs...

Philippe Lefait utilise cette belle phrase en  miroir de ce que vit Lou frustrée d'une communication qu'elle désire jusqu'à la rage. Et le mot natifs flotte, lui aussi, témoin de l'irrémédiable.

 Quant à moi, je me permets d'évoquer l'écho que j'entends de ce poëme des Contemplations  de Victor Hugo, lorsque le père de Lou et Géraldine, apaisé, les regarde:

Dans le frais clair-obscur du soir charmant qui tombe

L'une pareille au cygne et l'autre à la colombe

Belles, et toutes deux joyeuses, ô douceur,

Voyez, la grande soeur et la petite soeur

Sont assises au seuil du jardin...

Une autre écriture, un même amour. Ce texte est de 1842, Léopoldine est encore là.

Ce couple parental ( éditrice, journaliste) vit dans le langage. Par le langage ils ont métabolisé ce malheur qui les a "cueillis", "phagocytés".

Rien ne donne sens au malheur, il n'y a pas non plus d'échelle de Richter pour le mesurer. Ce livre, sans doute bon pour eux, est aussi beau et précieux. 

 

N.B: Je remercie Yves Pennaneach, membre comme moi de l'association Présence, de m'avoir fait connaître ce bel ouvrage.

 


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23 novembre 2013 6 23 /11 /novembre /2013 19:54

Comment recevoir le "hurler avec les loups" où Pascal Quignard voit le propre de l'aliénation humaine, constante et répétitive?

Il revisite  dans Les désarçonnés  toute la tradition historique, littéraire, mythique, religieuse, pour démontrer que le seul remède à la détresse originelle, pour  la plupart des êtres humains, est de fonctionner en meute. Et de s’aliéner dans un appétit spontané de servitude, au chef de meute.

Car les hommes n’ont pas la force de désirer la liberté. Elle les effraie.

Chemin faisant, l'écrivain règle leur sort à tous les puissants qui se régalent du malheur et de la mort ; il ne situe  pas  dans une sphère abstraite son analyse des illusions, des mensonges, des faux-semblants dont se régale l’humanité, et qui l’enragent.

Mais à son sens, tout commence dans cette ignorance insupportable de" pourquoi moi, pourquoi ici", et dans la solitude néo-natale, cette faim fondamentale synonyme de mort imminente. Ceci pour l'individu.

Quant à l'espèce, la mort, probable à chaque instant, était dans la face du fauve.  A partir de cette métaphore  féconde,  son récit, ou plutôt l’ensemble  des contes, récits, témoignages, citations, démontre ce postulat :

La société humaine est un grand animal aux manies étranges, lourdes, grossières, répétitives, circulaires, cruelles, que seule la guerre vient divertir.

 Quant à ceux qu’on pourrait appeler les héros de la liberté,  Agrippa d' Aubigné, La Boëtie, le cerf des grands bois, le chat qui sort dans le petit jour, leur lot est la solitude choisie, bienheureuse, mais impensable pour le plus grand nombre.

Montaigne, lui-même, n’a pas osé publier les textes de La Boëtie trop scandaleux pour l’air du temps. Il s’est contenté de lui rendre hommage, ce qui sonne comme une trahison.

Toute l’ analyse de la guerre, du sadisme, du masochisme, de la servitude spontanée, de la haine de la liberté à laquelle se livre Pascal Quignard,  tout cela en fait un pessimiste fondamental. Difficile à accepter pour tous ceux, et il y en a beaucoup, qui se sont mis hors la meute, qui ont lutté pour le "tous ensemble" contre les loups.

 Mais, à l'arrivée ? Les combats patriotiques, politiques, syndicaux, sociétaux, une fois une "solution" advenue, quelle qu'elle soit ? Voir le Chili, l'ex URSS, le CNR.... plus le reste, l'éternelle confrontation avec toutes les violences? (J'ai un peu honte de dire de telles banalités, mais enfin, quand a-t-on changé la vie?)

 Quignard propose l'échappatoire majeure: se laisser désarçonner, et renaître à chaque fois qu'il le faut.

 Formule particulièrement féconde, parce que susceptible de mille applications. Eprouver ce que Proust appelle des instants profonds devant la beauté de la nature, de la vie, des chats. Lire, et réaliser une compagnie de Solitaires de Port-Royal. Ecrire, même si l'écriture est de l'ordre de la survie. Aimer son prochain, comme dans son roman Caruset aider un désarçonné à reprendre sa vie. Faire de la musique.

  Il y a une joie fondamentale de la survie à ne pas négliger.

 Le plaisir que j'éprouve à lire Quignard, c'est qu'il réalise ce choix, cet idéal de vie dans l'aspect lumineux de son langage, cette coïncidence passionnée qu'il établit avec son texte. Et qui fait qu'on a un peu de vergogne à le commenter. C'est pourquoi je m'arrête là...

J'ajoute cependant, en référence au très beau film de Visconti, "Le guêpard" d'après le roman de Lampedusa la phrase du prince Fabrizzio:"nous avons été des lions et des guêpards, maintenant arrivent les hyènes et les chacals" .(Je cite de mémoire). Le prince refuse avec hauteur d'entrer dans les lieux de pouvoir qui lui sont proposés; il y favorise la promotion d'un riche bourgeois, un  chacal truqueur d'élection,  le futur beau-père de son neveu. Népotisme de caprice: le prince ne peut s'empêcher d'admirer le cynisme de Tancrède. Contagion entre les animaux nobles et les ignobles.

Les grands textes, et leurs métaphores,  nous font vivre ces fameux instants profonds. 

 

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11 octobre 2013 5 11 /10 /octobre /2013 07:58

esprit-d-hiver,M119310Un médecin de l'âme de ma connaissance disait un jour, pensif : " Nous avons une connivence dégueulasse avec la mort." Est-ce là cette "chose" innommable qu' Holly et Eric ont rapportée avec eux, depuis la Sibérie avec leur enfant adoptée ? Une vague et fétide odeur de pourri flotte dans l'air que respire Holly, ce matin du 25 décembre où tout semble aller mal ; les parents se sont réveillés trop tard, Tatiana ne sort pas de sa chambre, la neige est en train de tout ensevelir, les amis ne viendront pas pour le repas de Noël, à peine accueillie à l'aéroport la grand-mère doit être transportée à l'hôpital.

Holly est donc seule avec cette chose doucereuse qui va lui imposer une lucidité terrifiante sur tous les mensonges de sa vie, autant de béquilles pour ne pas affronter cette haine de tout qui l'accompagne. En même temps Holly et la Chose vont déployer les ressources infinies de la psychose, et nier l'évidence.

Holly est une poétesse stérile, une femme stérile, ou plutôt stérilisée pour ne pas mourir comme sa mère et ses soeurs. Elle a voulu adopter pour pouvoir écrire, et n'a plus écrit, mais n'a pas non plus su être mère; et elle sait pourquoi : sa mémoire n'a pas oublié l'enfant cachée derrière la porte de l'enfer, à qui l'hôpital a substitué Tatiana.

Et maintenant, Tatiana est dans sa chambre, et Holly tout au long de cette journée particulière l'hallucine à ses côtés, tantôt vêtue de rouge, tantôt de noir, serrée dans ses bras, mais sans l'abandon de la tendresse. La contrariant de toutes les ressources d'une adolescente hostile. Holly a beau convoquer les souvenirs heureux, ce sont les remords, les haines, les rancunes, qui déferlent.

Il faudra bien, au retour d'Eric, regarder ce qui était là depuis huit heures du matin.

Laura Kasischke déploie une maîtrise superbe, semant ses petits cailloux comme autant de flashes de vérité.Comme ce thème insistant des cheveux : ceux de Tatiana,bizarrement si longs à vingt deux mois, mais aussi ceux de cette tresse de deuil d'un enfant et qui disparaissent. Et ce schampoing, dans un flacon trop lourd... Elle a aussi utilisé avec éclat la légende de Rapunzel-Raiponce: le conte originel évoque un couple en mal d'enfant qui a recours à une sorcière pour obtenir enfin une fille blonde à la beauté magique. Les infirmières sibériennes , en guise d'ersatz, ont eu accès à la Raiponce de Disney. Et Tatiana aux beaux cheveux est surnommée "Raiponce noir de jais". Cette Raiponce là ne guérira personne. Se savent-elles sorcières, ces femmes qui délivrent aux parents adoptants une demi-vérité, que de toute façon ceux-ci ne voulaient pas entendre ?

Puisque, au mépris de toute évidence, ils sont restés dans le déni devant leur "enfant bleue".

Sans trop solliciter le texte, on peut se demander si, en filigrane, Laura Kasischke ne fait pas le procès d'une certaine Amérique. Où l'on peut à la fois se croire invulnérable à la maladie, au vieillissement, aux impératifs physiologiques, ("la moitié des enfants de cette ville ont été adoptés"...) et développer une sorte de hantise devant les produits de la modernité. Tous les désirs d'objets peuvent être comblés par internet, mais leur accumulation ne fait que recouvrir brièvement l'angoisse et la folie. Quand ils n'y participent pas, comme ce portable et ses étranges et significatifs messages.

La Chose, la mort, avait tracé son chemin dans un labyrinthe inflexible, et son odeur finit par tout recouvrir.

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18 septembre 2013 3 18 /09 /septembre /2013 13:48

petites-scenes-capitales,M118439

 

Pourquoi a-t-on envie très vite de penser à un autre titre pour ce roman de Sylvie Germain? Par exemple Petites peines capitales, Albin Michel, 2013. Tant le mal absolu, et la male mort irriguent un texte par ailleurs foisonnant, baroque, et superbe.

Contrairement à des textes plus anciens de la même auteure, l'histoire racontée s'inscrit dans le contemporain : l'héroïne est née à la fin des années quarante, se trouve dans la rue en 1968, vivra fugitivement en communauté libertaire, mais sans conviction. Un peu pour échapper à cette famille recomposée qui fut son lot, puisqu'orpheline de mère.

Cette apparente banalité s'enracine en fait dans un propos infiniment plus vaste.

L'enfant que sa mère a fui alors qu'elle avait quelques mois, pour mourir quatre années plus tard lors d'une baignade imprudente,( difficile de ne pas penser à un refuge suicidaire dans un giron d'eau salée) s'interroge  très tôt sur  la raison de sa présence au monde, et même sur la justification de ce monde : pourquoi moi, pourquoi tout ?

Elle grandit au milieu des catastrophes ordinaires, pas si violentes, finalement, puisqu'on y survit. Quoique..... sa grand-mère est retrouvée morte un matin, sa demi-soeur est victime d'un accident, son père ne sait pas aimer sa "vraie" fille, les "vrais" enfants de sa belle-mère fuient eux aussi.

On apprend un autre malheur, plus ancien : la véritable mère de son demi-frère, poursuivie parce que juive dans un immeuble parisien et fracassée dans l'escalier par la police française de l'époque, a juste eu le temps de jeter son nourrisson dans les bras de Viviane, trois fois mère, deux fois belle-mère, mais jamais mère apaisée comme dans ces romans lisses qui vous consoleraient de vivre. De ses petits-enfants, elle n'en connaîtra qu'une, une petite-fille phocomèle victime de la thalidomide.

Et l'héroïne, Liliane, se demande à plusieurs reprises: qu'est-ce qu'être mort, comment sait-on qu'on est mort ? Tant elle n'est jamais sûre d'être vivante.

Et pourtant, comme les autres personnages de cette tribu, avec une énergie renouvelée, elle trouve à s'exprimer dans la création artistique.

L'art comme remède au mal, comme joie la plus haute, et pour l'héroïne comme la traduction, enfin possible,  des émotions ressenties devant la beauté et l'énigme du monde, que Sylvie Germain donne à voir dans une langue magnifique : "la fraîcheur de l'eau et son goût de pierre mouillée et d'herbes rouies montent par bouffées qui se croisent sur son visage avec celles exhalées par la terre et les feuillages, d'une tiédeur miellée". Ou encore: " Pourquoi suis-je là  ? A quoi bon moi ?... Ahurie par ce pourquoi brut et massif, elle reste longtemps immobile, le regard zigzaguant de la rivière au talus, des buissons au ciel des fleurs aux cailloux, du bout de ses sandales à des toits de maisons entrevus au loin; le regard errant de rien à rien, la pensée en dérive."

Mais tout serait à citer.

L'amour, l'héroïne l'a espéré, attendu, cherché. Ce mot est resté longtemps un mot "hagard". Quel bonheur d'écriture que ce mot farouche. Le vital, l'impossible, le têtu.

Difficile quête quand a manqué l'amour primordial d'un père et d'une mère. Mais il est là à la fin du roman, joyeux et décisif.

Il faudrait parler des prénoms; tout commençait mal pour l'héroïne: la mère avait choisi "Barbara", par caprice. Le père impose "Liliane", on saura vite pourquoi. A l'âge adulte, Liliane devient Barbara, c'est le seul bien qu'elle tienne de sa mère, l'inconnue.

Viviane, elle est, elle donne la vie. Mais elle la reprend aussi : lors de l'accident, elle hurle le prénom de sa préférée, Chantal. C'est Christine, la jumelle, qui mourra. Mais Chantal ne pardonne pas  ce cri "inique", ce déni de sa moitié de vie, elle part au bout du monde. On ne pardonne pas aux mères.

Le roman se clôt sur un feu d'artifice sonore inattendu et jouissif : tout un compartiment de TGV chante et hurle à voix alternées ; Barbara fait résonner les cris des oiseaux de son enfance. Moment de bonheur et de liberté lyrique qui fracture le quotidien.

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23 août 2013 5 23 /08 /août /2013 17:34

En hommage à Yves Dupuis, mon professeur d'allemand en prépa, à Reims, dans les années cinquante. Bienveillant, cultivé, plein d'humour et d'humanité, il savait nous rendre l'effort intellectuel à la fois enrichissant  et savoureux.

A sa mémoire, je traduis, librement, cette charmante pièce du XVIIème, écrite en Plattdeutsch, de Johann Simon Dach, traduite en Hochdeutschpar Johann Gottfried Herder au siècle suivant.

 

1. Ännchen von Tharau ist's, die mir gefällt,


Sie ist mein Leben, mein Gut und mein Geld.


Ännchen von Tharau hat wieder ihr Herz


Auf mich gerichtet in Lieb' und in Schmerz.


Ännchen von Tharau, mein Reichtum, mein Gut,


Du meine Seele, mein Fleisch und mein Blut!

 

2. Käm' alles Wetter gleich auf uns zu schlahn,


Wir sind gesinnet bei einander zu stahn.


Krankheit, Verfolgung, Betrübnis und Pein


Soll unsrer Liebe Verknotigung seyn.


Ännchen von Tharau, mein Licht, meine Sonn,


Mein Leben schließ' ich um deines herum.


3. Recht als ein Palmenbaum über sich steigt,


Hat in erst Regen und Sturmwind gebeugt


So wird die Lieb' in uns mächtig und groß


Nach manchem Leiden und traurigem Los.


Ännchen von Tharau, mein Reichthum, mein Gut,


Du meine Seele, mein Fleisch und mein Blut!

 

autre version du §3 :

Recht als ein Palmenbaum über sich steigt

Je mehr in Hagel und Regen anficht;

So wird die Lieb' in uns mächtig und gross

Durch Kreuz, durch Leiden, durch allerlei Noth.

Ännchen von Tharau, mein Reichtum, mein Gut,

Du meine Seele, mein Fleisch,und mein Blut!

 

4. Würdest du gleich einmal von mir getrennt,


Lebtest da, wo man die Sonne kaum kennt;


Ich will dir folgen durch Wälder, durch Meer,


Durch Eis, durch Kerker, durch feindliches Heer.


Was ich gebiete, wird von dir getan,


Was ich verbiete, das lässt du mir stahn.


5. Was hat die Liebe doch für ein Bestand,


Wo nicht ein Herz ist, ein Mund, eine Hand?


Wo man sich peiniget, zanket und schlägt,


Und gleich den Hunden und Katzen beträgt?


Ännchen von Tharau, das woll'n wir nicht tun;


Du bist mein Täubchen, mein Schäfchen, mein Huhn.

 

6. Was ich begehre, ist lieb dir und gut;


Ich lass den Rock dir, du lässt mir den Hut!


Dies ist uns Ännchen die süsseste Ruh,


Ein Leib und Seele wird aus Ich und Du.


Dies macht das Leben zum himmlischen Reich,


Durch Zanken wird es der Hölle gleich.

 

 

Ännchen von Tharau, c'est elle qui me plaît,

Elle est ma vie, mon bien, et ma fortune.

Ännchen von Tharau, son coeur tendu vers moi

Dans l'amour comme dans la douleur.

Ännchen von Tharau, ma richesse, mon bien,

Toi mon âme, ma chair et mon sang!

 

L'orage peut bien nous frapper en même temps,

Nous sommes voués à rester debout ensemble.

La maladie, la tristesse, la persécution, les tourments

Sont autant de liens pour notre amour.

Ännchen von Tharau, ma lumière, mon soleil

Je noue ma vie autour de la tienne.

 

Plus le palmier s'élève, encore et encore,

Plus s'acharnent la grêle et la pluie ;

Ainsi grandit en nous et se renforce l'amour,

Même crucifiés par la douleur et toute sorte de détresse.

Ännchen von Tharau, ma richesse, mon bien

Toi mon âme, ma chair et mon sang.

 

Si un jour tu étais séparée de moi, 

Si tu vivais là où  à peine on connaît le soleil,

Je te suivrais, par les forêts, par les mers,

A travers la glace, le fer, les armées ennemies.

Ce que je demande, tu me l'accordes,

Ce que je ne veux pas, tu m'en laisses décider.

 

Car que serait-ce que l'amour

Sinon un seul coeur, une seule bouche, une seule main ?

Si l'on se tourmente, se querelle, si l'on se bat,

Si l'on se chamaille comme chien et chat ?

Ännchen von Tharau, cela nous ne le ferons pas

Toi ma petite colombe, mon agnelle, ma galinette.

 

Ce que je désire est de t'aimer bien ;

Je te laisse la robe, et toi, laisse moi le chapeau !

Et c'est pour nous, Ännchen, la paix la plus douce,

Un seul corps, une seule âme pour toi et moi.

Voilà pour faire d'une vie un céleste royaume,

Mais si l'on se querelle, elle est comme l'enfer.


 

 

 

 

 

 

 

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19 mars 2013 2 19 /03 /mars /2013 13:15

chronique-d-hiver,M106373

 

Paul Auster nous avait habitués à de beaux romans. Pourquoi cette autobiographie encensée par la presse semble-t-elle si fade, si convenue? Pourtant, le texte procure un vrai plaisir de lecture, les personnages sonnent vrai, le héros toujours sympathique dans ses choix, ses admirations et ses affections. Mais ses héros de fiction offraient plus de profondeur, plus d'intérêt ; ils étaient plus vivants... et plus proches de nous. Y aurait-il un paradoxe de l'écrivain, comme il y a un paradoxe du comédien?

Le roman américain que l'on aime, virtuose dans la restitution du monde, rend-il un de ses meilleurs représentants moins apte à rendre compte d'une vie, et de son mystère ? Une hypothèse que je formule avec précaution, peut-être me faudrait-il relire cette chronique.

Mais Montaigne, mais Stendhal, mais Philip Roth... Affaire à suivre. 

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6 janvier 2013 7 06 /01 /janvier /2013 18:04

les-desarconnes,M93021

 

Rencontré avec grand plaisir sur la Toile un lecteur de Pascal Quignard, Jacques Desmarais : [http://jack-jackyboy.blogspot.fr/]

L'occasion est là pour parler des Désarçonnés, encore un bonheur de lecture.

Il y a quelque chose de magique dans les écrits de Quignard, dans cette méditation renouvelée et toujours nouvelle sur lui-même et l'humaine condition, fondée sur une connaissance éblouissante de textes fondateurs les plus divers, souvent les moins connus, et pourtant les plus évidents ; sur une méditation fine, profonde, présente à la beauté du monde et à sa cruauté.

Un des fils directeurs de ce beau texte est l'histoire du surgissement de la vie sur terre, animale, puis humaine, d'une infinie durée. Avec cette constante de la peur de la prédation, qui conditionne depuis toujours les êtres que nous sommes, prédateurs à notre tour, mais hantés par nos origines. Et fondamentalement "désarçonnables", envoyés en arrière, en position "opisthotonique ", dans l'accident, dans la mort, dans l'amour. (Quignard aime bien employer tous les mots de la tribu...)

Un autre fil rouge parcourt le texte, celui d'une auto-analyse, le contraire d'une complaisance à soi, dont les flashes éclairent pour l'auteur et le lecteur ensemble les flux d'une vie. Une vie dans et par le langage. Le langage qui nous fait humains, pardon pour ce truisme qui devient chez Quignard une évidence rafraîchissante et infinie. Il y pointe aussi cette logique de la différenciation, du partage entre l'un et l'opposé qui conditionne notre rapport à l'autre et à la connaissance. La pratique du langage est surtout chez lui et pour le lecteur une source d'allégresse:

"Il faut voir chaque matin le chat attendre devant la porte de la cuisine, la regarder s'ouvrir, se dresser dans la fierté, avancer ses pattes dans l'herbe humide et quitter la tiédeur et le calme de la maison, délaisser le jardin pour la fumée de l'aube sur le petit bras mort du fleuve."

Le chat, à la fois beau, libre, ami fétiche de l'auteur. Et l'eau des "rives mouillées et brumeuses des rivières".

Et les hommes ? Ils ont besoin de la guerre, la mort est leur maîtresse, le pouvoir l'instrument de leur violence : "la cruauté desinhibée les appelle, les obsède, les enivre". En témoigne "l'extraordinaire horreur qui fit le coeur du 20ème siècle". Alors, mieux vaut s'éloigner d'eux, "en abandonnant la course aux places, aux récompenses, aux richesses, aux titres, aux tombes, aux mémorials". Et suivre la voie indiquée par La Boêtie, "cre(ver) la servitude volontaire, err(er) à la périphérie du "Tous les  hommes". Et peut-être trouver le bonheur, mais le mot n'est pas prononcé. Ce fut aussi l'injonction de Jésus : " nolite judicare" traduit par "renoncez à l'obéissance au sens commun"

Ce monde a perdu la vertu de certains mots, comme "étranger" qui "était alors le mot le plus beau, et il ouvrait les portes. L'hospitalité était un devoir, pas même une vertu". Il faut donc engager"une vie secrète où survivre". Cette vie est celle de la lecture et de l'écriture. Une voie belle à suivre, celle d'un Tacite ("au style de suppléer la morale qui fait défaut") ou d'un Antelme. Puisqu'il est question de style, un dernier extrait, pour la route:

"Quand on cesse de se soumettre au jugement de ceux dont on s'est retranché, tout ce qui blesse s'effiloche et se gomme d'un coup comme une brume sur la rivière à l'instant où monte le soleil." Etre comme un chat.

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