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12 juillet 2016 2 12 /07 /juillet /2016 10:51

On connaît bien cette analyste qui n’hésite pas à investir le monde des médias pour y délivrer une parole de soin et de liberté. Et la plupart de ses ouvrages sont réédités en Poche, ce qui est une entreprise de salubrité publique.

En effet, mieux que les chroniques spécialisées de la presse de grande diffusion (lesquelles sont loin d’être inutiles), Claude Halmos, dans ce dernier livre, sait à la fois répondre à un problème particulier posé à l’antenne, et mettre en place un angle de vue éclairant et salvateur.

Ce gros ouvrage de 400 pages représente 200 chroniques diffusées entre 2011 et 2016 et s’efforce de répondre aux questions que posent une difficulté de vivre, un obstacle incompréhensible, une impasse où se débat un proche, un enfant malheureux, etc…

Au lieu d’un exposé théorique nourri d’études de cas, nous assistons en direct à un échange sur le vif de questions-réponses portant sur des situations difficiles et urgentes.

A chaque fois, Claude Halmos, loin de délivrer une solution toute faite, pose la ou les questions qui vont éclairer ce qui fait que, quelque part, une vie est en danger de s’enliser dans la violence, l’angoisse, l’échec, le malheur. Et montre que le malheur n’est pas une fatalité, même si on ne peut pas éviter la souffrance. Un exemple : un auditeur dont le fils est incarcéré pour agissements pédophiles se demande comment parler à son petit-fils ; avec beaucoup de finesse, l’analyste installe une possibilité de communication entre les trois générations tout en suggérant discrètement une amorce de causalité possible. Ce qui n’est pas rien, et ajoute : « On ne peut, à cet enfant, éviter de souffrir. Mais on peut faire en sorte que cette souffrance n’hypothèque pas sa construction. »

Souci constant et admirable de C.Halmos : rappeler qu’une vie ne se construit pas sur le mensonge, qu’il faut fuir comme la peste les idées reçues, les préjugés confortables, la paresse de se mettre en question : c’est ainsi qu’on fabrique pour soi-même et pour l’autre des vies pourries . La violence du non-dit est destructrice à chaque fois.

Le sens commun n’est pas du bon sens. Le bon sens n’est pas spontané. Il résulte d’un effort sur soi-même et de respect de quelques principes pas toujours faciles à appliquer : toujours dire la vérité aux enfants sur ce qui les concerne, c’est leur dire leur humanité ; leur enseigner les interdits fondamentaux par rapport à la sexualité et à la violence. Et à partir de là, ce qu’il en est de la loi : on ne peut pas tout faire. Simplement, et efficacement.

Elle suggère aussi, et dédramatise la démarche du recours à un professionnel de l’écoute : malgré l’amour, la bonne volonté, les proches ne peuvent pas tout résoudre.

Et ne fait pas comme si tout dépendait de bonnes relations individuelles : le bonheur de vivre est là si l’école joue son rôle de fenêtre ouverte sur la différence et sur l’autre, si le monde du travail respecte les hommes et les femmes.

Claude Halmos exprime dans ce beau livre, ce kaléidoscope de dizaines d’appels, une saine colère contre ce qui entrave la possibilité de vivre pleinement, et apporte sa pierre à la construction d’un monde vivable.

On peut piocher au hasard dans ces chroniques et y trouver son miel, un peu comme les enfants curieux d’avant Internet qui dévoraient les dictionnaires. Et au moins, pour les personnes dont il s’agit, quelqu’un a tiré l’alarme. Trop souvent on se détourne d’un enfant triste qui va passer sa vie à se guérir d’une enfance mal entourée. Claude Halmos pointe la responsabilité des adultes, mais n’en fait pas pour autant des coupables, puisque, de toute façon, « c’est la génération d’avant qui les a mis dedans » (selon Paul Mathis, psychanalyste). Cercle vicieux, à briser par la médiation des mots nécessaires.

Une belle démonstration chaleureuse des ressources du regard analytique.

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