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11 mai 2015 1 11 /05 /mai /2015 17:08

Sigmund Freud, en son temps et dans le nôtre. Élisabeth Roudinesco.
Seuil éditeur prix Décembre 2014.
prix des prix littéraires 2014.

Excellent titre pour cet ouvrage d'Elisabeth Roudinesco, historienne et psychanalyste.
Le temps de Freud, fin XIXeme, milieu du XXeme siècle, c'est l'effondrement d'un certain monde politique, societal, intellectuel, suivi d'une accalmie bientôt démentie par le fracas de deux guerres mondiales, et l'irruption d'une sauvagerie jamais vue.
En même temps, Freud est spirituellement à la fois l'héritier des Lumières et du Romantisme, celui qui explore les richesses de l'individu, et aussi ses zones sombres.
Victor Hugo a déjà exalté les grandes figures de Moïse ou d'Hamlet quand Freud est encore enfant. Balzac est parti, mais Freud se nourrira de la saisissante métaphore de " La peau de chagrin" quant à l'instinct de mort présent au cœur du désir.
Dans ce contexte culturel et spirituel, le jeune étudiant rigoureux, curieux, ambitieux, va découvrir par tâtonnements progressifs le rôle de l'inconscient et les possibilités de la cure analytique. Fils particulièrement brillant d'une famille aux multiples replis, celle-ci sera son terrain d'étude privilégié. Freud, juif incroyant, mais profondément juif, d'une clairvoyance aiguë, à la Kafka.
Et notre temps a hérité de la psychanalyse. Avec un peu plus de lucidité sur les démons humains. Mais guère plus d'armes pour les combattre.
Élisabeth Roudinesco s'appuie sur une documentation considérable qu'elle est allée puiser aux meilleures sources. Les notes de bas de pages témoignent qu'elle a tout lu sur son sujet.
Ses analyses et descriptions de la personnalité de Freud, de ses rapports parfois orageux avec ses disciples, de sa vie familiale proposent un portrait contrasté et bien humain du fondateur. On y trouve l'admiration, l'empathie,et comme une fraternité. Que Madame Roudinesco partage post mortem avec ces figures lumineuses que sont Lou Andreas Salome ou Marie Bonaparte, qui arracha Freud et quelques-uns à la férocité, moyennant rançon.
Sigmund Freud fut un combattant de la liberté conquise sur les forces obscures de l'inconscient, mais aussi sur les tyrannies ordinaires. Les régimes dictatoriaux ne s'y sont pas trompés qui ont toujours persécuté les entreprises analytiques. Sans oublier l'antisémitisme oŕdinaire.
Moins explicable est l'acharnement de certains bons esprits, et ceci dès les origines, avec constance. Comme si l'œil perçant de l'analyse était plus scandaleux que ce qu'il découvre. Alors, on crédite Freud de toutes les vilenies. Élisabeth Roudinesco, avec l'énergie qu'on lui connaît, règle leur compte à toutes ces falsifications d'hier et d'aujourd'hui.
Montesquieu dans " l'Esprit des lois", définissait l'historien idéal comme devant être à la fois " indifférent"( au sens d'impartial) et " passionné". on peut créditer Élisabeth Roudinesco de ces deux qualités. Son œuvre témoigne d'ailleurs de cette ardeur de combattante.

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