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5 février 2017 7 05 /02 /février /2017 15:57

Dès le titre, l’impression d’étrangeté.

 Le terme éponyme ne devrait pas apparaître dans un titre, puisque éponyme désigna précisément ce qui donne, ou prête son nom à un titre : Candide, héros éponyme d’un roman de Voltaire.

Serait-ce le début d’une piste pour entrer dans ce texte, produit, ou bien outil algorithmique capable de rendre compte d’un objet écrit d’une grande force ; écrit par qui, comment, pourquoi ?

Babouillec est le pseudonyme  d’Hélène Nicolas, diagnostiquée autiste. Après des années d’enfance en institution, sans accéder au langage écrit ou parlé, elle est prise en charge  à temps complet dans sa famille, et bénéficie, dans une structure créée par sa mère, Kiéthon, d’un programme d’intenses stimulations sensorielles et langagières.

Il arrive un moment où Babouillec se met à organiser en mots des lettres tirées d’un jeu, et à …écrire. Sa mère est là, qui recopie des mots, des phrases, et replace rapidement les lettres cartonnées dans leur boîte. Une journaliste assure avoir assisté à l’opération.

L’écriture est sortie de ma tête et a donné un sens à ma vie sociale et culturelle…

La tête comme un ressort sans verrou oscillant vers les quatre points cardinaux…

Je suis arrivée…modèle dispersé, gratuitement mis au monde par besoin de casser la mécanique culturelle…

 

    Ce  pêle-mêle de mots, cette déferlante d’images et de cris révèlent une intense activité cérébrale. La description du bonheur et du malheur d’exister s’exprime dans un expressionnisme chatoyant. Mais qui parle ainsi ?

Hélène ? Sa mère ?

 Le texte emploie plusieurs niveaux de langage, révèle le  bagage intellectuel d’une personne cultivée, citant Descartes, Kafka, Hitchcock et autres Lacan, lisant Libération ; n’évitant pas le franglais contemporain, les clins d’œil vers l’actualité.

 

Babouillec  évoque longuement et précisément l’univers autiste « silencieux fil  d’Ariane coupé du reste du monde «, ou encore « La bouche muette des solitudes rôde, valsant, princesse de la nuit, arpège multicolore des envies d‘exister dans le dire ». Du moins son propre univers autiste qu’elle affirme en même temps être celui de…sa mère :

« l’éternel autisme de ma mère »… » mon autiste de mère »

Y aurait-il là quelque explication à cette œuvre énigmatique ? Une communication exceptionnelle entre deux cerveaux, une seule personne en deux corps ? Une télépathie en continu ?

On ne peut qu’être ému devant la performance de cette dyade mère-fille ; à l’acharnement de la mère pour extraire Hélène de sa nuit répond peut-être l’effort insensé de cette dernière pour l’accompagner. L’amour en acte.

Eponyme, anonyme, reviennent plusieurs fois dans le texte : de la difficulté de nommer ce qui n’a pas de nom.

 

 

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