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21 janvier 2015 3 21 /01 /janvier /2015 13:16

Un univers étrangement semblable à celui de Russell Banks: l'Amérique des perdants, pauvres, exclus, malchanceux, cherchant à s'en sortir par des chemins de traverse. Avec un degré de plus dans la noirceur,et un regard différent, les frères Coen privilégiant l'humour et la loufoquerie éventuellement funèbre.

Les personnages de ce film sont absolument sans empathie, dans une solitude de l'âme effrayante. Le sujet, simple: un mari désargenté programme l'enlèvement de son épouse pour faire "cracher" son beau-père. Il a recours à deux pieds-nickelés du crime, dans une mécanique enrayée dès le départ, source d'un comique funèbre très particulier.

En même temps, dans une scène glaçante, les Coen nous jettent à la face une déshumanisation plus abjecte que le meurtre : la femme enlevée, couchée depuis plusieurs heures à l'arrière du véhicule, en est brutalement sortie, mais aveuglée et baillonnée. Comme un animal sans repères elle court en zigzags éperdus. Et les malfrats de se tordre de rire.

Une des nouvelles de Russell Banks, Blue, met en scène un épisode qui me semble analogue, même si la barbarie en est moins évidente : une jeune femme en quête d'un véhicule d'occasion se trouve enfermée par négligence dans l'enclos. Un chien féroce sert de gardien. Une équipe de télévision alertée par un passant vient la filmer. Puis tout le mode s'en va, les projecteurs éteints. Quelques heures plus tard, telle la chêvre de Monsieur Séguin, elle sera happée par le pittbull.

Il faut dire qu'elle a eu peur de faire appeler la police par le passant : comment justifier sa présence dans cet enclos ? Et la "régulatrice" des pompiers s'était défaussée. Un visage de la barbarie, de la solitude et de la peur: si l'autre n'est pas censé me secourir, que me reste-t-il à espérer ?

On peut dire que Russell Banks écrit en moraliste. Joel et Ethan Coen en virtuoses de l'image et du rythme entraînent leur histoire dans une succession de crimes commis par de pauvres types dont les motivations sont ultra basiques : le dollar, le sexe. Et la bouffe, devant une série télévisée à l'eau de rose. Si bien que leur traitement de cette société du Mal penche constamment vers un comique grinçant irrésistible, de l'ordre de l'humour noir. Ainsi, il faudra attendre le dégel pour que quelqu'un s'empare du magot, puisque celui qui l'a caché comme il a pu dans la neige est mort comme tout le monde...

On comprend que leur oeuvre ait rencontré l'enthousiasme de Polanski, en particulier pour Barton Fink.

Mais les Coen ne nous laissent pas partir sans un lot de consolation: la jeune shérif et son mari, pleins d'amour et d'attentions, attendent avec bonheur leur premier enfant. La jeune femme a énergiquement dénoué l'intrigue; elle prend la peine, peut-être inutile, mais tant pis, de dire au bandit survivant que le jeu n'en valait pas la chandelle. Dans une tranquille affirmation du Bien.

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commentaires

E
J'apprécie votre blog , je me permet donc de poser un lien vers le mien .. n'hésitez pas à le visiter. <br /> Cordialement
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P
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