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31 mai 2013 5 31 /05 /mai /2013 20:13

Cet article vient en complément documentaire de l'article :

[ Un procès de Moscou à Reims, ou « Je vais écrire à Maurice. » ]

 

Recension des notes prises lors de ma consultation des numéros de

 la Champagne, contemporains du procès de Léon Borgniet  accusé de « titisme ».

 

- 9 juillet 1948 : publication de la Résolution du bureau d’information. Signalée en page1, elle occupe 5 colonnes en page 4.

 

- 23 juillet, page1, un article signé Léon Borgniet, intitulé « Les défenseurs de Tito » évoque « la position trotskyste de Tito » et affirme : « les amitiés particulières dont Tito fait aujourd’hui l’objet éclairent singulièrement la situation yougoslave » ( sont cités  Comisco et Saragat)

page 4 est publiée la Résolution du CC  sur la Résolution du Bureau d’Information. Le Bureau Fédéral de la Marne approuve de son côté la dite Résolution, et « exprime toute sa reconnaissance au glorieux PCb de l’URSS et à son guide génial, le camarade Staline »

 

- 1er août, un article signé René Tys, intitulé « Les aventuriers de Belgrade » affirme : «  le « congrès « de Tito  justifie les critiques  du Bureau d’Information »

 

- 8 août page 1 : un portrait de Staline surmonte un article intitulé :

« l’URSS rempart de la paix dans le monde »

 

- 22 août page 1 : « Tito le fratricide »… »  assassinat du camarade

Yovanovitch »

 

 

Année 1949

 

- 27 février, annonce de l’entrée au Bureau fédéral de Léon Borgniet, et de Raymonde Borgniet au Comité fédéral.

 

- 28 août : page 1 : « Le tyran de Belgrade n’est pas la Yougoslavie »… « scandaleuse diffusion de fausses nouvelles pour affoler l’opinion publique » (la presse yougoslave fait état de soit-disant préparatifs d’agression contre la Yougoslavie de la part de l’URSS)

- 18 août : René Tys : « Tito trahit le prolétariat mondial »

 

- 4 septembre :René Tys : « Aux ordres des capitalistes, Tito prépare un mauvais coup contre l’Albanie »

 

- 8 octobre, : Jean Pelle : « Tito le rampant »

 

- 23 octobre : Interviewée par la Champagne , en titre gras :

« Notre camarade Liane Lelaurain dénonce les méthodes titistes »

Un réquisitoire très violent sur la misère du peuple, le flicage, les communistes emprisonnés, et le chantage du salut à Tito dont est victime le groupe de visiteurs dont font partie Liane Lelaurain, ancienne déportée, et son compagnon rencontré au camp, yougoslave naturalisé, Jean Laurencier.

Même page, un article très offensif de Jean Pelle contre Tito.

 

- 30 octobre, page 1, en encadré : « Mise en garde du Bureau Fédéral  face aux agissements des traîtres et des espions titistes et de leurs complices »

Même page : « Les victimes du traître Tito accusent », signé René Loreau.

(Même page, une chronique d’Annie : « Lettre à Staline »)

 

- 6 novembre page 1, article d’Albert Morin, secrétaire

 fédéral

Titre : « Manquer de vigilance, c’est affaiblir le Parti, et trahir la confiance de la classe ouvrière »

Sous-titre : « Quelles sont les causes des faiblesses coupables, et comment les corriger. »

Extrait de l’article : « …faiblesses qui ont conduit  la direction fédérale, et la direction de la Champagne  à sous-estimer l’activité des provocateurs titistes à Reims où résident ces deux directions.

…les titistes et leurs agents ont pu venir jusqu’au sein même du Parti exercer leur activité provocatrice ».

page 4 autre article intitulé : « Manques de vigilance »

 

- 13 novembre : Compte–rendu  de la conférence fédérale, signé Jean Pelle :

« Des agents titistes personnifient dans la Marne cette partie du front des impérialistes dans leur préparation à la guerre impérialiste

…on ne saurait tolérer la moindre complaisance

…contrôler les tâches dans le style du travail Stalinien, comme France Nouvelle  du 31 octobre  nous en donne un exemple si vivant. »

 

- 20 novembre  page 1, grand titre :

« Tito menace l’Albanie et la paix. »

Extrait de l’article : « les Marnais s’opposeront à cette politique, en dénonçant impitoyablement les agents titistes qui s’efforcent de semer la confusion et de tromper la classe ouvrière »

 

- 27 novembre page 1 : Interview de Maurice Thorez,sous le titre :

« Le PCF condamne Tito et sa clique, vulgaires agents des puissances impérialistes »

 

- 4 décembre,  « Le comité fédéral, réuni sous la présidence de Fernande Valignat, déléguée du CC, condamne les fautes opportunistes qui ont conduit à l’affaiblissement  du camp révolutionnaire, il appelle à la vigilance révolutionnaire »

Dans ce même compte-rendu, Albert Morin et Léon Borgniet sont nommément condamnés pour des coupures dans un article de Maurice Thorez reproduit dans la Champagne  du 16 octobre 1949. (Manquent :

«  dénonce l’activité titiste…Doriot…Barbé-Célor…trotzkistes…groupe Tito, Rankovitch, Djilas. » )

et pour leur indulgence à l’égard de Liane Lelaurain.

Cependant, le comité fédéral évoque les explications des camarades Morin et Borgniet, «  qui ont reconnu leurs fautes et la justesse des mesures prises à leur égard par le comité fédéral, en accord avec le Comité Central « 

Dans cet article, Léon Borgniet est expressément  désigné comme rédacteur en chef.

Conclusion de l’article : » les communistes et les travailleurs marnais feront leurs les conclusions de ces résolutions, et s’en serviront comme d’une arme acérée, afin de combattre et de vaincre . »

Toujours le 4 décembre, page 4, nouveau compte-rendu  du Bureau d’Information sur la « clique Tito ».

 

- 11 décembre  Information : le Bureau Fédéral a élu le nouveau Secrétariat Fédéral : - Jean Pelle, 23 ans, permanent

                                - Jean Reyssier, 28 ans, cheminot

                                - René Tys, 28 ans, ouvrier aux Teintureries Laval

et a nommé un nouveau responsable de  la Champagne ,Lucien  Pâté, 26 ans (sans parenté avec Andrée et René Pâté, cités par ailleurs).

A la même page 1, Jean Pelle appelle à la préparation de la Conférence Fédérale des 4 et 5février, sur un ton menaçant, qui n’empêche pas Annie de présenter vaillamment sa chronique hebdomadaire.

 

- 18 décembre : une manchette annonce la diffusion de la brochure :

« La Yougoslavie sous la terreur de la clique Tito »

Une longue citation de Staline contre le trotskysme occupe la moitié d’une page spéciale.

 

- 1er janvier 1950 : en page 5, extrait sur 3 colonnes de la brochure citée le 18 décembre.

 

- 8 janvier : en page 1, article de Jean Pelle :

« A bas la guerre impérialiste, à bas le fasciste Tito »

 

- 15 janvier : en page 1 :

« les Partisans de la Paix  ne laisseront pas Tito assassiner Youkovitch et Hebrany »

Une tribune pour la préparation de la  conférence fédérale, signée Maillochon appelle à la vigilance révolutionnaire.

 

- 22 janvier, nouvelle tribune, signée Jean Pelle, appelant à la vigilance révolutionnaire.

 

- 29janvier, article anti Tito d’un syndicaliste de la Haute-Marne.

 

- 5 février, annonce de la tenue de la conférence fédérale.

En page 1, on apprend que le Bureau Fédéral critique les conseillers généraux communistes (Léon Borgniet, Fernand Kinet, Alcide Benoît), qui ont félicité le préfet récemment promu à la Légion d’honneur : « déviation parlementariste. »

 

- 12 février, page 1 :

« Magistralement clôturés par Jacques Duclos, les travaux de la IXème Conférence Fédérale … »

et page 6.. « stigmatise avec force ceux qui soutiennent de loin ou de près les titistes et les trotskystes. Il ne peut être question d’être pour Tito et pour la paix…

…erreurs opportunistes en face des menées criminelles des agents de Tito…dans la Marne, manque de vigilance. »

Résolution de la CF : « Dénoncer la trahison de Tito et de sa clique. »

Le nom des Borgniet disparaît  du comité et du bureau fédéral. (Sans explication pour Raymonde…)

 

- 12 mars, page 1 : Titre : Exclusion.

« Liane Lelaurain, et…yougoslave dit Jean Laurencier  ont été exclus des rangs du PCF pour activité désorganisatrice en liaison avec des éléments titistes . »

 

- 14 mai, Alcide Benoît revient sur la nécessaire vigilance à l’égard des partisans de Tito.

 

- 21 mai, Jean Pelle réaffirme : » partir en Yougoslavie, c’est se prostituer au fasciste Tito. »

 

- 28 mai, Marcel Nautré (fils d’Hélène, déportée, femme de service, pour l’heure députée en remplacement d’Angeletti) :

« Non, les jeunes n’iront pas en Yougoslavie fasciste »

( Je précise pour être complète, que c’est Marcel Nautré qui portait le drapeau rouge aux obsèques de mon père.)

 

- 4 juin : A. Georgel signe un article intitulé : «  Jeune, ne va pas chez Tito »

 

- 18 juin : Jean Pelle : « Jeune, prends garde aux offres alléchantes de Tito le bourreau »

 

- 2 juillet : «  Un cégétiste ne va pas chez Tito », signé Grégoire (prénom oublié) et Marie-Ange Patigny pour la FEN-CGT, tous deux membres du PC . Est ici dénoncé l’instituteur Jean Lambert, non communiste.

 

- 1er octobre , en dernière page, une lettre accusatrice contre le régime de Tito, signée par deux jeunes ouvriers de chez Renault, Pierre Belour et René Tavernier, qui sont donc allés chez Tito, mais ne sont pas condamnés pour autant, n’étant  pas membres du PC.

 

Fin de partie…

Mais pas  fin de Parti pour LB, resté à la cellule Armande Gandon  jusqu’à son décès en juillet 90. Une petite salle de sport porte son nom.

 

 

 

 

 

 

 

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15 mai 2013 3 15 /05 /mai /2013 13:03

 

images

 

Mardi 14 mai, sur France 3, un très beau film de Jacques Fansten, "Pourquoi personne me croit?".

J'avais gardé de "La fracture du myocarde" le souvenir d'un cinéaste particulièrement sensible au monde de l'enfance, ou plutôt de la fin de l'enfance. C'est encore le cas ici. Le regard porté sur ce  petit groupe juvénile est à la fois empathique, admiratif, nostalgique de cet absolu enfantin, où l'on ne doute de rien, alors qu'il faudrait douter de l'amour des grands, de leur loyauté, de leur courage, de leur parole.

Pas non plus d'attendrissement devant le monde exotique de l'adolescence. Les héros, trois garçons, une ado, une jeune fille, sont infiniment plus malins que les adultes. Surtout, ce sont des Justes. Ils protègent leur copain, ne mettent pas en doute son innocence, et même arriveront à la prouver.

Mais en chemin, Sébastien aura connu l'enfer. Nous ne sommes pas dans "Emile et les détectives". Le monde des adultes est  mortel. Le goût du lucre, la démission, la lâcheté, la violence, le mensonge, sont le pain quotidien des juges, des flics, des truands et des matons, et même des mères.

Les ados vivent , quand on ne les en empêche pas, dans un vert paradis. Mais l'aînée, la presque femme, fait déjà l'expérience de la trahison. 

Au passage, Fansten a épinglé la dangerosité criminelle d'un certain  pouvoir pharmaceutique, la niaiserie forcenée des médias, avec le psy de service bouffi de bêtise consensuelle.

Tout cela dans une banlieue bien propre sur elle, mais où les différences sociales sont implacables.

Mais, comme le dit l'un des jeunes héros : "Est-ce qu'ils ont été comme nous, est-ce qu'on sera comme eux?"

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31 mars 2013 7 31 /03 /mars /2013 16:46

8 fois debout 

 

Une belle surprise, avec ce film de Xabi Molia, diffusé par Arte le 27 mars dernier. L'histoire d'une jeune chômeuse, vite expulsée d'un triste logis. Divorcée, son enfant vit chez le père.

Elle survit de petits boulots au noir, lavage de bus la nuit, baby-sitting, de quoi mal manger et mettre de l'essence dans une vieille voiture où elle peut aussi dormir. Un thème qui pourrait aligner tant de situations déjà vues, qui font désespérer de notre monde.

Mais rien de cela. Le film évite le mélodrame. Certes, l'héroïne ne peut guère compter sur sa famille, et ses patronnes épisodiques ne sont pas tendres. Mais l'ex-mari la ménage avec gentillesse, un voisin de galère l'épaule un peu, le vigile des bus la protège sans abuser de la situation. Ce n'est pas la dureté du monde des frères Dardenne.

On frôle pourtant la tragédie, comme si l'auteur nous faisait signe: cet équilibre relatif d'une misère presque supportable est trompeur. La mort est au bout.

L'héroïne a emmené son fils au bord de la mer, dans cette voiture où ils ont dormi. L'enfant vit mal ce week-end de pauvre, il réclame la maison de son père. Un jeu, où la mère envoie le ballon un peu trop au large, tout pourrait basculer. Mais l'enfant crie "Maman", elle aussi crie son nom, elle va le chercher, les mots les ont sauvés.

Etienne trouvera bon le sandwich de la station-service, il donnera rendez-vous à sa mère pour un prochain samedi.

Un film rude et délicat, pour parler de la vie et de la mort.


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22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 17:29

Canal+. Jeudi 21. Grand journal.

Ne dites surtout pas "trisomique", mais "personne atteinte de trisomie 21". Ne parlez pas handicap, ESAT ( établissement et service d'aide par le travail), foyer d'hébergement, budget.

Les jeunes trisomiques (appelons-les par leur nom)présents devant les caméras sont sympathiques, loquaces, et "intégrés". Ils bénéficient du parrainage de la première dame, du soutien aimant et engagé de deux parents présents. La responsable d'une association nationale est là aussi. Elle annonce d'entrée que les "personnes atteintes de trisomie 21" n'ont entre elles aucun point commun. Sauf que. Ou alors il faut expliquer, et ne pas se contenter d'affirmer que tout individu est unique. On le sait. Mais combien de fois entend-on l'insulte "mongol" en diverses occasions? (l'occasion de se colleter avec la bêtise humaine sans perdre son sang-froid).

Mot d'ordre prévalent : intégration, dans la famille, à l'école, au travail. Soit. Combien d'entreprises, privées ou publiques, appliquent-elles la loi, c'est à dire un quota d'emplois adaptés ? Combien préfèrent payer une amende ? (à supposer qu'on la leur fasse payer).

Combien de MDPH ( maison départementale des personnes handicapées) au personnel dramatiquement insuffisant ? Combien de personnes handicapées attendent une place en structure adaptée, faute de créations ?

Ce n'est pas un petit déjeuner de la première dame avec trois trisomiques, un coucou du Président, qui va permettre aux PH (tout le monde parle par initiales), à leurs familles, à leurs aidants, de voir le bout du tunnel.

La maman présente sur le plateau de Canal avance timidement qu'il y a peu de structures d'accueil et d'éducation, pourtant indispensables. On passe vite à autre chose, aux apprentissages de la première dame.

Et passez muscade.On applaudit.

Dire que les trisomiques, comme on l'a dit ces temps-ci pour les autistes, sont une chance pour notre société multiple est un affront pour les personnes concernées. Aborder vite fait ce sujet entre deux publicités, donner bonne conscience, puisque tout le monde est gentil et utile là où il est, c'est faire de l'information malhonnête avec de bons sentiments.

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19 mars 2013 2 19 /03 /mars /2013 13:15

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Paul Auster nous avait habitués à de beaux romans. Pourquoi cette autobiographie encensée par la presse semble-t-elle si fade, si convenue? Pourtant, le texte procure un vrai plaisir de lecture, les personnages sonnent vrai, le héros toujours sympathique dans ses choix, ses admirations et ses affections. Mais ses héros de fiction offraient plus de profondeur, plus d'intérêt ; ils étaient plus vivants... et plus proches de nous. Y aurait-il un paradoxe de l'écrivain, comme il y a un paradoxe du comédien?

Le roman américain que l'on aime, virtuose dans la restitution du monde, rend-il un de ses meilleurs représentants moins apte à rendre compte d'une vie, et de son mystère ? Une hypothèse que je formule avec précaution, peut-être me faudrait-il relire cette chronique.

Mais Montaigne, mais Stendhal, mais Philip Roth... Affaire à suivre. 

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19 mars 2013 2 19 /03 /mars /2013 07:13

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Beaucoup d'émotion, de revoir ces images de la dictature, de cette époque où la presse, les récits, les témoignages hurlaient l'horreur du régime de Pinochet. On avait presque oublié nos sentiments de rage et d'impuissance devant ce qui se passait là-bas. Et puis, plus tard, comme le disait un voisin notoirement... conservateur : "Pinochet, c'est le contraire de Pétain. Il a mal commencé, mais il a bien fini." Est-ce que tout est "bien" qui finit "bien" ?

Bref. 1988, c'est l'année du referendum pour ou contre la poursuite légitime de son régime que Pinochet, sous la pression internationale, propose aux Chiliens, et qu'il va remporter, selon toute probabilité : il y a du travail, le pays préfère oublier les années noires et le reste.

Un jeune publicitaire va vendre le "No" au Chili, à coup de jingles, d'images radieuses, de spots dansants. Belle performance. La démocratie a gagné, du moins la démocratie moderne, qui chante, danse, et consomme. Quelques coups de matraque tout de même, un canon à eau, on ne se refait pas.

Le vrai sujet est peut-être ailleurs. Le jeune publicitaire est fils de communiste, fils de martyr. Il ne refuse pas de "conseiller" ceux qui n'ont pas oublié qu'il est le fils de son père. Mais il n'utilisera pas contre le régime les images de son abjection. Ce ne serait pas " vendeur"? Sans doute. Mais cette abjection-là, il l'a vécue. Il a donné. Il est, lui, un père vivant, un père présent, attentif, un père seul que la mère de l'enfant a laissé, pour une vie engagée et dangereuse. Comme si la Résistance lui prenait toujours ceux qu'il aimait. Et ce n'est pas un superbe train électrique au centre de l'appartement qui lui rendra une enfance saccagée, inguérissable.

Il sait aussi qu'on peut tout vendre à un public de toute façon aliéné, même la démocratie.  Si cette victoire fait monter dans ses yeux des larmes de joie, elle a quand même un goût amer. 

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21 février 2013 4 21 /02 /février /2013 15:36

alceste 

 J'ai beaucoup aimé cette transcription de la misanthropie dans un univers qui est celui du scénariste, mais qui pourrait l'être dans n'importe quel autre milieu. Il y a matière. On a reproché au film ces deux scènes jumelles, de la chute dans un petit bassin ; mais justement, me semble-t-il, c'est la métaphore de l'interchangeabilité des deux personnages, sauf que c'est Alceste qui avait refilé à l'autre le vélo sans frein... D'où scène en miroir, en plus ils se cassent la figure dans un plan d'eau. Et Lambert Wilson/ Philinte aggrave son cas, en manquant se noyer dans un jacuzzi... Une autre scène qui me fait jubiler, celle où la jeune actrice de porno annone le texte de Molière : on pourrait croire qu'ils sont sidérés par tant d'incompétence et de barbarie. J'ai plutôt l'impression qu'ils sont abasourdis devant l'arrogance de la jeunesse et de la beauté, qu'ils prennent conscience d'une sorte de néant de leur personne et de leur statut, à ce moment précis de leur parcours à tous les trois: c'est elle la vraie Célimène, et pas l'Italienne , instrument et prétexte d'une férocité mutuelle, dont Phiinte se sent coupable, mais qui est pour Alceste une jouissance froide.

En plus, ces paysages de Ré, Luchini qui court dans les vagues et croit presque au bonheur, Lambert Wilson en vedette de série. Entre le porno et Docteur X on n'a pas vraiment le choix; il y a vraiment de quoi nourrir une "indicible"( ou "effroyable") haine ! Quelle intelligence de faire buter un acteur sur le mot indicible !

Lors d'un échange entre amis, j'ai commis un lapsus, et parlé d'"Alceste à la plage". A la réflexion, oui le film est rohmérien et " Pauline à  la plage" aussi une histoire de faux-culs. 

 

 

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6 janvier 2013 7 06 /01 /janvier /2013 18:04

les-desarconnes,M93021

 

Rencontré avec grand plaisir sur la Toile un lecteur de Pascal Quignard, Jacques Desmarais : [http://jack-jackyboy.blogspot.fr/]

L'occasion est là pour parler des Désarçonnés, encore un bonheur de lecture.

Il y a quelque chose de magique dans les écrits de Quignard, dans cette méditation renouvelée et toujours nouvelle sur lui-même et l'humaine condition, fondée sur une connaissance éblouissante de textes fondateurs les plus divers, souvent les moins connus, et pourtant les plus évidents ; sur une méditation fine, profonde, présente à la beauté du monde et à sa cruauté.

Un des fils directeurs de ce beau texte est l'histoire du surgissement de la vie sur terre, animale, puis humaine, d'une infinie durée. Avec cette constante de la peur de la prédation, qui conditionne depuis toujours les êtres que nous sommes, prédateurs à notre tour, mais hantés par nos origines. Et fondamentalement "désarçonnables", envoyés en arrière, en position "opisthotonique ", dans l'accident, dans la mort, dans l'amour. (Quignard aime bien employer tous les mots de la tribu...)

Un autre fil rouge parcourt le texte, celui d'une auto-analyse, le contraire d'une complaisance à soi, dont les flashes éclairent pour l'auteur et le lecteur ensemble les flux d'une vie. Une vie dans et par le langage. Le langage qui nous fait humains, pardon pour ce truisme qui devient chez Quignard une évidence rafraîchissante et infinie. Il y pointe aussi cette logique de la différenciation, du partage entre l'un et l'opposé qui conditionne notre rapport à l'autre et à la connaissance. La pratique du langage est surtout chez lui et pour le lecteur une source d'allégresse:

"Il faut voir chaque matin le chat attendre devant la porte de la cuisine, la regarder s'ouvrir, se dresser dans la fierté, avancer ses pattes dans l'herbe humide et quitter la tiédeur et le calme de la maison, délaisser le jardin pour la fumée de l'aube sur le petit bras mort du fleuve."

Le chat, à la fois beau, libre, ami fétiche de l'auteur. Et l'eau des "rives mouillées et brumeuses des rivières".

Et les hommes ? Ils ont besoin de la guerre, la mort est leur maîtresse, le pouvoir l'instrument de leur violence : "la cruauté desinhibée les appelle, les obsède, les enivre". En témoigne "l'extraordinaire horreur qui fit le coeur du 20ème siècle". Alors, mieux vaut s'éloigner d'eux, "en abandonnant la course aux places, aux récompenses, aux richesses, aux titres, aux tombes, aux mémorials". Et suivre la voie indiquée par La Boêtie, "cre(ver) la servitude volontaire, err(er) à la périphérie du "Tous les  hommes". Et peut-être trouver le bonheur, mais le mot n'est pas prononcé. Ce fut aussi l'injonction de Jésus : " nolite judicare" traduit par "renoncez à l'obéissance au sens commun"

Ce monde a perdu la vertu de certains mots, comme "étranger" qui "était alors le mot le plus beau, et il ouvrait les portes. L'hospitalité était un devoir, pas même une vertu". Il faut donc engager"une vie secrète où survivre". Cette vie est celle de la lecture et de l'écriture. Une voie belle à suivre, celle d'un Tacite ("au style de suppléer la morale qui fait défaut") ou d'un Antelme. Puisqu'il est question de style, un dernier extrait, pour la route:

"Quand on cesse de se soumettre au jugement de ceux dont on s'est retranché, tout ce qui blesse s'effiloche et se gomme d'un coup comme une brume sur la rivière à l'instant où monte le soleil." Etre comme un chat.

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7 décembre 2012 5 07 /12 /décembre /2012 15:52

henardIl nous donne une nouvelle raison d'aller dans ses livres, avec ce très beau L'alcool et la nostalgie, paru en 2011.(Editions Inculte)

Une nouvelle raison avec un magnifique hommage à Thomas Bernhard. (Quelle chance de se rencontrer dans la même admiration !) Donc, le héros de ce voyage interrompu vers la Sibérie voit s'imposer à lui le personnage que Bernhard avait installé dans ce fameux fauteuil à oreilles, il entend résonner la phrase incantatoire de l'écrivain autrichien, s'y abandonne, et, en même temps désespère de jamais écrire aussi bien ;  c'est Enard qui parle, et il a tort, car sa phrase celle de Zone, celle de L'alcool et la nostalgie, avance avec autant de puissance et d'effet hypnotique. Une langue profonde, pleine de bruits et de couleurs, bouleversante.

C'est Stendhal qui ne pouvait que se dire :"être Racine, ou rien".

Et si le Lakhdar de La rue des voleurs était un  Julien Sorel, avide de sortir de sa destinée, vaincu finalement, et trouvant comme seule issue un passage à l'acte meurtrier ? Chacun des deux fracasse sur son chemin un autre, juste un peu plus faible, un peu plus écrasé par le jeu social.

Des "étrangers", à la Meursault, incapables d'adhérer à l'hypocrisie et à la violence du monde comme il va, quittes à frapper ainsi à la porte du malheur. Mais dans leur courte vie, tous deux auront savouré la terre et les parfums du Maghreb :

"Le soir tombait doucement;  le parfum de la mer était tout autour de moi.

Je suis resté allongé par terre sans lumière, jusqu' à ce qu'il fasse nuit noire." ( M.Enard)

"Je me suis réveillé avec des étoiles sur le visage. Des bruits de campagne montaient jusqu'à moi. Des odeurs de nuit, de terre et de sel rafraîchissaient mes tempes. La merveilleuse paix de cet été endormi entrait en moi comme une marée." ( A.Camus) 

La porte du malheur s'est aussi ouverte pour Vladimir, qui s'est "laissé petit à petit manger par la nuit". Mais la problématique de L'alcool et la nostalgie, explore aussi les impasses des sentiments amoureux à l'épreuve du même monde inhumain (ou trop humain) que les autres romans de Mathias Enard. Cependant on y voit luire un espoir dans l'instinct de vie de son heroïne Jeanne, en écho lointain à celle de Blaise Cendrars. 

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28 novembre 2012 3 28 /11 /novembre /2012 15:42
Voici la réponse du chef de cabinet de Madame Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, à une interrogation sur la délivrance éventuellement obligatoire des médicaments génériques :

Madame Marisol Touraine, Ministre des affaires sociales et de la santé, a pris connaissance de la correspondance que vous lui avez adressée concernant les conditions de substitution des médicaments génériques aux médicaments princeps. Elle m'a personnellement chargé de vous répondre.

 

Je vous informe que l'introduction des médicaments génériques sur le marché a pour but la modification de la stratégie commerciale des laboratoires. La délivrance et la substitution des médicaments princeps par des génériques rentrent dans le cadre d'une démarche générale de l'utilisation des médicaments génériques.

 

Ces copies de médicaments de marque sont en moyenne 30% moins chères car elles ne nécessitent aucun frais de recherche ou de développement. Leurs prix incluent uniquement les coûts de fabrication et de commercialisation. Il reste toutefois quelques exceptions, mais, sur la durée, le prix du générique s'aligne au moins sur le prix de ce "priceps à bas prix". 

 

Par ailleurs, je vous rappelle que les règles de délivrance des médicaments par les pharmaciens sont précisées à l'article L.5125-23 du code de la santé publique dans les termes suivants:

 

"Le pharmacien ne peut délivrer un médicament ou produit autre que celui qui a été prescrit (...) qu'avec l'accord exprès et préalable du prescripteur, sauf en cas d'urgence et dans l'intérêt du patient.

 

Si la prescription en dénomination commune peut être respectée par la délivrance d'une spécialité figurant dans un groupe générique, (...) le pharmacien délivre une spécialité appartenant à ce groupe dans le respect des dispositions de l'article L 162-16 du code de la sécurité sociale.

 

Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, il peut délivrer par substitution à la spécialité prescrite une spécialité du même groupe générique à condition que le prescripteur n'ait pas exclu cette possibilité, pour des raisons particulières tenant au patient, par une mention expresse portée sur la pescription sous forme exclusivement manuscrite(...)"

 

L'article R.5125-54 du même code indique: " La mention expresse par laquelle le prescripteur exclut la possibilité de la substitution prévue au deuxième alinéa de l'article L.55125-23 est la suivante: "Non substituable" Cette  mention est portée de manière manuscrite sur l'ordonnance avant la dénomination de la spécialité prescrite."

 

Par ailleurs, l'application du dispositif tiers payant contre génériques est définie par l'article L.162-16-7 du code de la sécurité sociale. Cet article précise en son 3ème alinéa que: " La dispense d'avance de frais (...) consentie aux assurés (...), lors de la facturation à l'assurance maladie de médicaments appartenant à un groupe générique, est subordonnée à l'acceptation par ces derniers de la délivrance d'un médicament générique(...) sauf lorsqu'il existe des génériques commercialisés dans le groupe dont le prix est supérieur ou égal à celui du princeps. Cette disposition ne s'applique pas non plus dans les cas pour lesquels la substitution peut poser des problèmes particuliers au patient, y compris les cas prévus à l'article L.5125-23 du code  de la santé publique."

 

En d'autres termes, lorsque la mention non substituable figure, en toute lettre, devant la spécialité pharmaceutique concernée, le pharmacien est tenu de délivrer le princeps et de pratiquer l'avance des frais.

 

Je vous prie d'agréer, Madame, l'expression de ma considération distinguée.

 

                                           Marc Meunier.

 

Cette réponse lève donc l'hypothèque d'une délivrance de génériques qui, dans certains cas, peut entraîner des risques sérieux pour un petit nombre de pathologies; sans aller contre les nécessaires économies à réaliser.

J'ai donc chaleureusement remercié monsieur le Chef de Cabinet. 

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